À l’approche de l’été, le paysage politique français connaît un moment de flottement stratégique. Les équilibres internes se fragilisent, les propositionse et projets de loi s’enchaînent et s’entrechoquent (proposition de loi Gremillet sur l’énergie, Duplomb sur l’avenir agricole, fin de vie…) et les grandes figures de la vie politique affinent leur positionnement pour les échéances à venir. Sans éclats ni effondrements, mais avec cette tension sourde des périodes de transition.
Conflit iranien : une diplomatie présidentielle en quête d’influence
Alors que les tensions au Proche-Orient ont connu une brusque recrudescence avec le regain de violence entre Israël et l’Iran, Emmanuel Macron a pris une posture de médiateur, tentant de sortir « son épingle du jeu ». En appelant à la désescalade tout en réaffirmant le soutien de la France à ses alliés, le chef de l’État a cherché à se positionner comme un leader européen capable d’articuler fermeté diplomatique et souci de stabilité régionale. Si la parole présidentielle a été saluée pour sa constance, elle a aussi révélé les limites d’une influence française affaiblie sur la scène internationale et encore plus au Moyen Orient. La France, comme l’Europe toute entière dans cette séquence, ont semblé subir plutôt que d’imposer leur tempo.
Majorité sous pression, centre en recomposition ?
Au sein du bloc présidentiel, les divergences de ligne s’expriment désormais à ciel ouvert. D’un côté, Gérald Darmanin incarne une aile sécuritaire, affirmée et populaire dans certains territoires ; de l’autre, Élisabeth Borne maintient un cap modéré, social et institutionnellement loyal. Alors que Gabriel Attal tente, par ses idées programmatiques, de reprendre la main pour bousculer l’avenir. Ce clivage latent cristallise les interrogations sur l’avenir du centre, pris en étau entre exigences de fermeté et nécessité d’inclusion. Ce qui s’esquisse, c’est moins une rupture qu’un ajustement permanent, signe d’un pouvoir qui cherche à rester central dans un échiquier politique qui ne l’est plus vraiment.
RN : la machine à gagner… qui commence à coincer ?
Après la condamnation de Marine Le Pen dans l’affaire des assistants parlementaires européens, le RN semble osciller entre fureur froide et tri sélectif des ambitions. Jordan Bardella s’impose, lentement, mais sûrement, en plan B devenu plan A. Alors que 2027 approche, la vision du plan A heurtera-t-elle le plan B ? : à force de vouloir rassurer tout le monde, le RN risquera-t-il de ne plus ressembler à grand-chose ? Ou lui permettra-t-il comme en 2017 avec La République en Marche d’être un parti attrape tout qui lui permettra de l’emporter ? Trop pro-système pour les ultras ? trop flou pour les modérés ? Le parti fort dans les urnes arrivera-t-il à gagner en restant modéré sur les idées.
Retailleau, une victoire structurante pour la droite
Bruno Retailleau a remporté l’épreuve de force au sein des Républicains. En s’imposant face à Laurent Wauquiez, c’est un style rigoureux, sobre, et ancré dans une droite de principes qu’il semble vouloir mettre en avant ; en adéquation avec leur campagne de communication sur les « »honnêtes gens ». Ce repositionnement du parti, plus sénatorial qu’élyséen pour l’heure, marque néanmoins un retour à une forme de clarté idéologique. Reste à savoir si cette ligne trouvera un écho dans une opinion en demande d’authenticité mais souvent méfiante à l’égard des conservatismes affirmés. Pour LR, le moment est stratégique : reconstruire une offre lisible sans tomber dans le repli identitaire. Bruno Retailleau saura-t’il élargir sa palette et se présidentialiser ?
PS : Un congrès sous tension et sans synthèse
Le Parti socialiste s’est quant à lui réuni en congrès dans une ambiance tendue. Le congrès, loin d’unifier les positions, a laissé intacte la principale interrogation : quelle ligne politique pour le PS en 2027 ? Entre les héritiers de la gauche traditionnelle, les socio-écolos et les tenants d’un aggiornamento social-libéral, le flou stratégique reste total. Une synthèse toujours attendue, mais de plus en plus incertaine.
Retraites : Bayrou en difficulté après l’échec du conclave
Le fameux « conclave des retraites », voulu comme un espace de dialogue et de refondation, a accouché d’une souris. Les partenaires sociaux, échaudés par la réforme de 2023, se sont montrés prudents, quand ils ne se sont pas carrément abstenus de participer pleinement aux discussions. François Bayrou, promoteur de ce format censé renouer les fils du dialogue social, se retrouve piégé par son propre dispositif : ni arbitrages clairs, ni propositions structurantes. Le Premier ministre pensait relancer le débat national ; il a surtout souligné l’ampleur de la défiance persistante. Cela lui aura permis d’avoir le soutien du Parti Socialiste afin de voter le budget 2025. Pour le budget 2026, ce sera au contraire quelque chose qui entrainera peut-être sa chute.
La menace d’une nouvelle dissolution, spectre ou stratégie ?
La rumeur d’une possible dissolution plane de nouveau sur l’Assemblée. À mesure que les tensions s’accroissent entre majorité relative et oppositions intransigeantes, certains au sommet de l’État évoquent ce scénario comme un levier politique. Si l’option semble peu probable à court terme avant l’été, elle pèse sur les discussions internes et les postures parlementaires. Plus qu’une menace, elle agit comme un révélateur du malaise institutionnel actuel : une Ve République dont les ressorts classiques fonctionnent de moins en moins bien.