Mai 2025 : entre tocsin républicain et carnaval électoral, la politique française sort les masques

La vie politique française a semblé s’être coordonnée sur Météo France en ce mois de mai : une situation ombrageuse, avec des repères inversés amenant la pluie dans le Sud et le soleil dans le Nord. Ce mois aura été un savant mélange d’alertes démocratiques, de turpitudes partisanes (Affaire Bétharram, Proposition de loi fin de vie, élections chez Les Républicains, silence du RN…) et de jeux d’ombres à l’Assemblée. Petit tour de piste d’une vie politique qui avance malgré elle.

Macron reparle à 20h (au Français), mais semble meilleur à Versailles.

Trois heures d’intervention télévisée, un décor présidentiel digne de ce nom, et à l’arrivée… une France qui semble toujours dubitative. Emmanuel Macron a pris l’antenne comme on part en croisade, mais peut-être sans carte ni boussole. Défense de la République, appels à l’unité, référendum : tout y est passé pour renouer le fil d’avec les Français, sauf l’essentiel : ce petit grain de sursaut qui a su faire son succès, mais qui semble difficile de reproposer après 8 ans de règne. Alors pourquoi maintenant ? Pourquoi si long ? Et surtout, pourquoi personne n’a vraiment compris ce qu’il voulait dire ? Un chef d’État en quête de sens face à un pays en quête de repères : la rencontre fut manquée. Encore. Dommage.

Mais qu’on ne s’y trompe pas : lorsqu’il s’agit de séduire les investisseurs étrangers, le président retrouve toute sa verve. L’édition 2025 de Choose France a été une partition jouée avec brio : chiffres record, annonces ronflantes, poignées de main bien placées. Le VRP de la start-up nation n’a rien perdu de son talent — pour vendre la France à l’international. Dommage que le public domestique ait droit, lui, à la version longue sans sous-titres.

Renaissance : centrisme éclaté et droite décomplexée

Pendant ce temps, la majorité présidentielle ressemble de plus en plus à une auberge espagnole — sans la convivialité. Gérald Darmanin joue les durs à l’ancienne en Guyanne, Gabriel Attal propose d’interdire le voile aux mineurs de moins de 15 ans proposant une ligne sécuritaire qui ferait frémir un Sarkozy 2007, tandis qu’Élisabeth Borne, stoïque, tente de réaffirmer un cap social modéré. Résultat : des électeurs certainement perdus, un groupe parlementaire fracturé, et un parti présidentiel qui n’en finit plus de se chercher une cohérence. Le bloc central tangue entre autorité et empathie, entre ordre et ouverture. A quel étage sert-on le bon plat ?

RN : la machine à gagner… qui commence à coincer ?

Après la condamnation de Marine Le Pen dans l’affaire des assistants parlementaires européens, le RN semble osciller entre fureur froide et tri sélectif des ambitions. Jordan Bardella s’impose, lentement, mais sûrement, en plan B devenu plan A. Alors que 2027 approche, la vision du plan A heurtera-t-elle le plan B ? : à force de vouloir rassurer tout le monde, le RN risquera-t-il de ne plus ressembler à grand-chose ? Ou lui permettra-t-il comme en 2017 avec La République en Marche d’être un parti attrape tout qui lui permettra de l’emporter ? Trop pro-système pour les ultras ? trop flou pour les modérés ? Le parti fort dans les urnes arrivera-t-il à gagner en restant modéré sur les idées.

LR : Retailleau couronné, Wauquiez recalé

Fin de partie pour les grands fauves : Bruno Retailleau a remporté la mise. Avec un sens du tempo hérité de la vieille droite sénatoriale, il a coiffé au poteau un Laurent Wauquiez qui n’aura pas démérité, mais dont la lourde défaite devrait peser sur ses ambitions personnelles pour 2027. Retailleau rassure les vieux cadres, inquiète les jeunes ambitieux et offre à LR une figure de sérieux en pleine tempête. Pas de quoi déclencher une ola sur TikTok, mais assez pour relancer une dynamique ?

Parlement : la marée législative

À l’Assemblée, les députés vivent un mois de mai façon marée montante : projets et proposition de loi en rafale, commissions épuisées et nuits blanches garanties. La proposition de loi sur la fin de vie a déclenché des affrontements moraux d’une rare intensité alors que la loi de simplification de la vie économique se perd dans une jungle d’amendements prolongeant un examen (toujours pas terminé à ce jour) au rythme pour le moins haché. Si la Ve République était une plateforme de streaming, on en serait à la saison 9 : plus personne ne comprend le scénario, mais tout le monde continue de jouer son rôle. Une fatigue démocratique commencerait-elle à s’installer avec comme principale incarnation François Bayrou ? La vie politique tourne, mais de plus en plus en rond.